Comment détecter la dénutrition quand on travaille à domicile ?

A domicile, plus de 400 000 personnes âgées sont dénutries et 3 fois plus de personnes sont considérées à risque de dénutrition. De plus, la dénutrition est l’une des causes principales de chute et d’hospitalisation des séniors du domicile. A tel point que l’on considère que plus d’une chute sur deux chez ce public est due à la dénutrition. La dénutrition entraine une perte d’autonomie et peut remettre en cause le maintien à domicile. En agissant dans la prévention nutritionnelle, on peut favoriser le maintien à domicile et la bonne santé des personnes. Vous trouverez ici les points de vigilance et les signes d’alerte d’une dénutrition ou d’un risque de dénutrition.

Qu’est-ce que la dénutrition et pourquoi est-ce important de la détecter ?

Maladie silencieuse, la dénutrition résulte d’un déséquilibre entre les apports et les besoins nutritionnels.

Sans dépistage ou prise en charge de la dénutrition, la personne âgée à domicile va progressivement s’enfoncer dans la spirale de la dénutrition. Celle-ci engendre une fatigue, une perte du tonus musculaire, une augmentation significative du risque de chute et d’hospitalisation, une baisse d’efficacité de la médication ou encore l’apparition d’escarres. Non prise en charge, la dénutrition entraine une perte d’autonomie sévère nécessitant donc une augmentation de la charge de travail des équipes à domicile et met en péril le maintien à domicile. 

Pourtant, la spirale de la dénutrition est réversible. Et plus on détectera la dénutrition tôt, plus la prise en charge sera efficace et le statut nutritionnel de la personne pourra être relevé plus rapidement. Au contraire, prendre en charge en fin de spirale (stade escarre, dépendance) demandera plus de moyens (humains, financiers et matériels) et prendra plus de temps. C’est pourquoi il est important d’être sensibilisé aux signes précurseurs, aux facteurs de risques afin de pouvoir réagir au plus vite.

Selon l’état nutritionnel, les diététiciennes vont pouvoir mettre en place l’enrichissement, le fractionnement voire avoir recours à des Compléments Nutritionnels Oraux (CNO). Mais toute personne informée, proches aidants comme professionnels du domicile, peut mettre en place l’enrichissement et le fractionnement dès qu’elle détecte un risque, le temps de la réalisation d’un bilan nutritionnel.

Comment détecter la dénutrition au quotidien?

Au quotidien, les professionnels du domicile sont les mieux placés pour détecter la dénutrition puisqu’ils sont au contact des personnes de manière très régulière. De plus, le fonctionnement de CDIET en partenariat avec les services à domicile a montré qu’une sensibilisation simple par une diététicienne tous les ans suffit à ces professionnels à rester au meilleur de la capacité d’alerte et de repérage !

Voici les signes d’alerte d’un risque de dénutrition ou d’une dénutrition installée.

  • Amaigrissement – perte de poids

Une perte de poids de plus de 2kg/mois ou de 4kg en 6 mois

Ou

Une perte de poids visible : les vêtements ou protections deviennent trop grands (il faut serrer la ceinture plus que d’habitude), changements physiques au niveau des tempes, pommettes, mains et absence de « chair et muscle »

Dans ces cas-là le risque de dénutrition est accru. Perdre plus de 2kg/mois ou 4kg en 6 mois signifie que la personne ne perd pas que de la graisse mais également du muscle, ce qui favorise le risque de chutes.

  • Diminution des consommations alimentaires

Vous pouvez constater que la personne mange moins que d’habitude si vous êtes là au moment des repas. Si vous n’y êtes pas, il est possible de remarquer s’il y a plus de déchets alimentaires dans la poubelle.

Les repas du portage sont mal consommés (par exemple : le repas du portage prévu pour le midi est partagé entre le déjeuner et le diner).

Enfin, le frigo ou les placards sont vides. La personne peut également verbaliser une perte d’appétit, un refus de manger.   

  • Consommation de 2 repas par jour

Avec 2 repas par jour, les besoins nutritionnels risquent de ne pas être couverts. Il y a un donc un risque de dénutrition. Et ceci, même si la personne a toujours fait comme ça toute sa vie. Rappelons qu’avec l’âge, les pathologies et les médicaments, l’organisme a des besoins accrus et spécifiques. Ici, quelques conseils pour améliorer l’appétit d’une personne âgée.

  • Constipation ou diarrhées

En cas de présence de troubles du transit, notamment s’ils s’installent dans le temps, le risque de dénutrition est accru. Pour éviter les désagréments liés aux constipation ou diarrhées, la personne va spontanément modifier ses habitudes alimentaires entrainant un risque de carence si c’est sur le long terme.

Par ailleurs, des troubles installés depuis longtemps ne sons plus nécessairement qualifiés comme des troubles, puisqu’ils font partie de la vie désormais … Ils le sont pourtant.

  • Maladie aiguë sévère

En cas de maladie aiguë sévère (grippe, bronchite, etc.), la personne risque, du fait de la maladie, de consommer moins et/ou d’avoir des besoins accrus. C’est donc une période pendant laquelle une attention particulière doit être portée concernant les consommations alimentaires. De plus, elle peut être fatiguée et ne plus être capable de faire les courses et/ou les repas.

  • Problèmes bucco-dentaires

En cas de douleurs dentaires, un risque de diminution des consommations s’installe. Ces douleurs peuvent être directement sur les dents ou dues à une absence ou détérioration d’appareil dentaire, voire d’appareil dentaire mal adapté. Rappelons qu’une petite perte de poids peut faire qu’un dentier devienne trop grand !

La personne va présenter des difficultés à consommer les aliments, progressivement ou subitement. Ces difficultés vont se porter, la plupart du temps, sur la viande (risque de ne pas couvrir les besoins en protéines) et sur les féculents (risque de ne pas couvrir les besoins en énergie). C’est un classique d’entrée dans la spirale de la dénutrition pour une personne qui, initialement, n’a pas de soucis en particulier.

Pour remédier à cela, on peut mettre en place une adaptation de la texture (mixer la viande, proposer des aliments mous/fondants, etc.)

  • Troubles de la déglutition

En cas de présence de fausses routes, le risque de dénutrition est majoré surtout si la texture n’est pas adaptée. Au moment des repas, cela se traduit par une toux, un temps de repas plus long. Vous pouvez constater que la personne a une voix « mouillée ou rauque », qu’elle bave, crache ou salive de manière excessive ou encore qu’elle a de nombreux raclements de gorge ou décrit une sensation de gêne au niveau de la gorge. Une adaptation de texture après avis orthophonique est nécessaire.

  • Temps des repas plus long

Vous constatez que la personne met beaucoup de temps à manger qu’avant : la texture n’est peut-être pas adaptée, il y a peut-être des troubles de la déglutition ou des problèmes bucco-dentaires. Une adaptation de texture après avis orthophonique est nécessaire.

  • Revenus insuffisants

Avec des revenus insuffisants, le risque de dénutrition est accru car l’alimentation risque d’être déséquilibrée (notamment au niveau des protéines). Si vous préparez les repas, vous pouvez consulter notre article Alimentation équilibrée et petits budgets.

  • Perte d’autonomie

Présence de difficultés ou d’impossibilités de faire les courses ou les repas alors que la personne les faisait jusqu’à présent. Par exemple, elle avait pour habitude de vous accompagner aux courses, et maintenant elle préfère rester chez elle. Ou encore, elle se baladait tous les jours après le repas et elle ne le fait plus. Il est possible que la personne le signale d’elle-même, mais elle peut aussi ne rien dire et c’est vous qui pouvez constater qu’elle sort ou cuisine moins, que les placards/frigo sont vides. Quoiqu’il ne soit, au-delà de la nutrition, son plan d’aide devrait être révisé.

  • Solitude, dépression

La solitude et la dépression sont des situations à haut risque de dénutrition. Perte de volonté de manger, de préparer les repas, de faire les courses engendrent une diminution des consommations et donc un risque nutritionnel. Ici, quelques idées pratiques pour briser l’isolement.

  • Consommations d’alcool ou autre substance

En cas d’addiction, la personne se tourne vers la substance plutôt que vers les repas ce qui engendre des carences. Vous pouvez voir que les repas que vous préparez ou du portage ne sont pas consommés ou sont jetés à la poubelle. Les frigos et placards peuvent également être vides.

  • Fatigue plus importante

En manque d’énergie et de protéines, la personne sera plus fatiguée. Vous pouvez la trouver somnolente ou plus fatiguée que d’habitude. Elle peut aussi avoir besoin de faire plus de siestes ou des siestes plus longues.

  • Chutes

LE signe qu’il y a un risque de dénutrition. Chez les personnes âgées : plus d’une chute sur deux est due à la dénutrition. Il n’y a pas de « petites » chutes. Dès que vous constatez une chute, une attention particulière doit être portée sur l’alimentation : consomme-t-elle suffisamment de protéines (viandes, poissons, œufs) ? A-t-elle perdu de la force, du tonus musculaire ?

  • Prescription d’un Complément Nutritionnel Oral mais il est mal/n’est pas consommé par la personne

Un Complément Nutritionnel Oral (CNO) est un médicament disponible sur prescription médicale. Si votre bénéficiaire en a un ou plusieurs de prescrit c’est qu’il y a une dénutrition ou un fort risque de dénutrition. Le médecin prescrit mais vous, vous êtes en première ligne pour voir si ce CNO est bien consommé. Il doit être consommé de manière journalière et selon les quantités prescrites par le médecin. Parfois, on constate que les personnes ne le prennent qu’un jour sur deux ou ne le consomment pas du tout. Peut-être que la forme du CNO ou son goût ne conviennent pas à votre bénéficiaire. Vous pouvez ainsi faire le lien avec le médecin traitant ou la famille pour que le médecin puisse ajuster sa prescription pour répondre au mieux aux goûts et besoins du bénéficiaire.

  • Attention aux idées reçues

« Il est normal que l’appétit diminue avec l’âge »

« Une personne âgée fait moins d’activités physiques, donc elle doit manger moins »

« Une personne âgée doit manger moins de viandes »

« Il est normal de perdre du poids avec l’âge »

Toutes ces phrases sont fausses. Souvent véhiculées par les personnes âgées elles-mêmes, il faut faire attention à ces idées reçues.

Les sensations de faim et de soif diminuent avec l’âge, c’est pour cela qu’on doit les stimuler.

Une personne âgée, même si elle a moins d’activité physique a des besoins identiques à ceux d’un adulte non âgé voire des besoins augmentés par ses pathologies. De plus, le besoin en protéine chez la personne âgée est supérieur à celui d’un adulte non âgé (moins bonnes assimilations des protéines dues à l’âge et augmentation des besoins à cause des pathologies)

Enfin, avec l’âge le poids doit rester stable (ce sont la diminution des sensations alimentaires et les pathologies qui entrainent la perte de poids).

Si vous constatez ces signes montrant un risque de dénutrition, il est nécessaire de contacter rapidement le médecin traitant de la personne.

Détecter la dénutrition à domicile est possible quand on connait les signes d’alerte du quotidien et qu’on sait à quoi prêter attention. Vous constatez un risque de dénutrition chez vos bénéficiaires ? Contacter une de nos diététiciennes pour aider vos bénéficiaires à sortir de la dénutrition.

En effet, des solutions simples et pratiques à mettre en place au quotidien existent pour relever le statut nutritionnel des bénéficiaires. Le suivi individuel à domicile C-DIET avec une diététicienne permet d’améliorer la qualité de vie et la santé des bénéficiaires. Il apporte également un nouveau soutien à leurs familles et soulage les professionnels du domicile sur la question alimentaire.